
Un salarié prouve grâce à des statistiques une discrimination à l'embauche en raison de son nom.
- blogfoadecco
- 12 janv. 2023
- 2 min de lecture
Dans une décision du 14 décembre 2022, la Cour de cassation a admis qu’un salarié intérimaire pouvait prouver grâce à des statistiques qu’il avait fait l'objet d'une discrimination à l'embauche en raison de son nom à consonance extra-européenne. Ce salarié avait mis en avant le pourcentage de salariés à patronyme extra-européen intérimaires, et aussi ceux à qui il avait ensuite été proposé un CDI, par rapport à ceux dotés d’un patronyme européen.
Le salarié d’une entreprise de travail temporaire avait effectué au sein d’une société des contrats de mission sur des postes de pré-monteur et monteur en raison d'un accroissement temporaire de l'activité sur la période du 9 juin 2015 au 8 décembre 2016, puis du 4 septembre 2017 au 1er mars 2019.
Ce salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée et d'une demande en paiement de dommages-intérêts au titre d'une discrimination à l'embauche en raison de son nom à consonance extra-européenne.
Les discriminations à l’embauche en raison du nom du salarié sont interdites
Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise en raison d’un critère discriminatoire prohibé (c. trav. art. L. 1132-1 ).
Or, parmi les critères discriminatoires prohibés, on retrouve l’origine de la personne et son nom de famille.
Si une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable, sur le fondement de ses origines ou de son nom de famille, il y a discrimination.
Reste encore à prouver la réalité de la discrimination …
Une analyse statistique basée sur la consonance du nom des salariés recrutés peut prouver la discrimination
En cas de litige, le salarié concerné doit présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination. S’il y a suffisamment d’éléments en ce sens, il revient ensuite à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (c. trav. art. L. 1134-1 ). Le juge apprécie alors ces éléments de fait « dans leur ensemble » (cass. soc. 29 juin 2011, n° 10-15792 , BC V n° 166).
Dans cette affaire, le salarié avait présenté une analyse statistique faite à partir du registre unique du personnel sur la période du 26 mars 2018 au 31 décembre 2018 et de l’organigramme de la société. Il en ressortait que :
parmi les salariés à patronyme européen recrutés en intérim, 18,07 % s'étaient vus accorder un CDI, contre 6,9 % pour les salariés à patronyme extra-européen ;
les salariés à patronyme extra-européen en intérim représentaient 8,17 % de l'ensemble des salariés intérimaires, mais seulement 2,12 % de l'ensemble des salariés en CDI pour les mêmes postes ;
80,93 % des salariés à patronyme européen étaient sous CDI, pour seulement 21,43 % des salariés à patronyme extra-européen.
De son côté, l’employeur n’avait a priori fourni que quelques exemples pour tenter de réfuter l’analyse du salarié.
Aux yeux de la cour d’appel, ces éléments pris dans leur ensemble laissaient effectivement supposer une discrimination à l'embauche ; l'employeur n’étant au demeurant pas parvenu à justifier que ses choix d’embauche étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
La Cour de cassation a abondé dans le sens des juges d’appel.
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